Interview de chercheur

Marie-Christine Daunay, ingénieure de recherche à l’INRA Inra Provence-Alpes-Côte d’Azur, nous parle du haricot.

Comment les ressources génétiques du haricot sont-elles conservées dans le monde et en France en particulier ?

MCD : Dans le monde le centre principal où se trouvent les ressources génétiques de haricot est le Centre International d’Agronomie Tropicale, le CIAT, qui est à Cali en Colombie. C’est une collection mondiale qui représente l’ensemble de la diversité des Phaseolus aussi bien des haricots cultivés que des sauvages. La plupart ont été collectés dans les zones d’origine et de diversification de ces espèces. C’est donc une collection qui d’un point de vue génétique est d’une très grande valeur. Elle est conservée sur des fonds internationaux. En Europe, il y a des collections de haricots dans différentes banques de gènes ou instituts de recherche, répertoriées dans une base de données européenne qui compte plus de 40 000 entrées. Cette base comporte donc des doublons, c’est-à-dire des entrées existant au sein de plusieurs collections. Elle est surtout constituée de matériel qui s’est diversifié en Europe, mais comprend aussi un certain nombre de géniteurs utilisés dans les programmes de recherche. En France, l’INRA a conduit des programmes de recherche sur les haricots nains et les haricots à rames de 1955 à 1992. Pour conduire ces travaux d’amélioration des plantes, l’institut a constitué une collection de travail qui est de l’ordre du millier d’accessions, comprenant des variétés anciennes françaises et européenne, et certainement du matériel sud-américain. Malheureusement, lorsque le programme de recherche s’est arrêté, l’INRA n’avait pas les moyens d’entretenir une collection indépendamment de ce programme, et la collection a donc été cédée à un certain nombre de tiers, dont le CIAT, Agri-obtentions, le GEVES (Groupement d’Etude des Variétés et Semences), et une société de semences. Le suivi des accessions chez ces différents partenaires n’a pas été fait, il est donc difficile de savoir ce qu’elles sont devenues. Mais ce qui est rassurant est que le matériel qui a été transféré au CIAT s’y trouve toujours : on trouve un peu moins de 400 variétés françaises dans la base de données du CIAT, tout n’est donc pas perdu ! Par ailleurs, il existe certainement des collections de haricot dans des conservatoires régionaux, des groupements de producteurs locaux, des associations variées ou des amateurs passionnés… Il est sûr qu’il existe des ressources génétiques de haricot chez ces partenaires-là.

On voit donc que la situation est difficile pour les ressources génétiques du haricot en France. Est-ce qu’il en est de même pour des plantes potagères comme le melon ou l’aubergine ?

MCD : La situation est difficile sur le haricot, oui et non : il existe des ressources génétiques dans le monde, une partie des ressources génétiques françaises est encore conservée à l’étranger, et elles existent encore certainement dans le secteur disons civil, même si l’information les concernant est difficile d’accès. Disons que les ressources génétiques ne sont simplement plus aussi facilement accessibles dans le pays. Non, la situation est très différente pour le melon ou l’aubergine, dans la mesure où il y a encore des programmes de recherche à l’INRA. Ce sont donc deux espèces pour lesquelles il y a des collections de travail et de recherche qui sont entretenues et utilisées, non seulement dans les programmes de recherche, mais aussi par des tiers comme des sélectionneurs, des agriculteurs, des associations de producteurs : c’est du matériel qui est ouvert. Ce sont donc deux collections qui sont gérées par un institut public avec une certaine continuité dans le temps.