Ndjido Kane, chercheur à l’ISRA de Dakar, nous parle du mil.
Vous êtes Sénégalais, vous vivez à Dakar où vous êtes chercheur. Le mil est une plante importante au Sénégal : est ce que vous pouvez nous dire en quelques mots pourquoi ?
NK : Je suis Sénégalais et chercheur à l’institut Sénégalais de Recherches Agricoles (ISRA). Le mil est important pour le Sénégal parce que c’est une culture traditionnelle. C’est une semence qu’on utilise pour différents évènements de la vie : les baptêmes, les mariages. Ca se cuisine comme un plat, le thiéré, qui est très important pour les sénégalais. En termes d’agriculture et de surface emblavée, c’est la culture la plus répandue au niveau du Sénégal, depuis des années malgré des conditions de culture différentes. Enfin, c’est une céréale accessible à toute la population. C’est donc une culture d’importance pour la population. Pour nous les chercheurs, c’est également une culture d’importance car c’est un très bon modèle d’étude. Il y a des ressources génétiques qui sont disponibles, ce qui offre des potentialités énormes en terme de recherche. La recherche prend en compte les besoins des paysans et des agriculteurs et leurs préoccupations face aux changements climatiques. Nous essayons, en travaillant en étroite collaboration avec eux, d’apporter des solutions pratiques et des technologies qui soient adaptées à leurs besoins. On le fait par exemple dans le cadre de projets comme CERAO qui implique des équipes de l’ISRA, de l’IRD et du Cirad. On essaye de voir quelles ont été les adaptations passées au cours des trente dernières années et nous essayons de comprendre ces adaptations pour essayer de voir si elles sont résilientes ou pas, si elles sont à promouvoir ou à changer. Nous travaillons également avec les agriculteurs pour essayer de voir comment ils ont perçu les changements climatiques et quelles seront les pratiques possibles, pour pouvoir apporter des solutions durables et résilientes, les proposer aux décideurs pour prise en compte dans les politiques et les stratégies agricoles.
Que peut faire la recherche ?
NK : La recherche fait déjà pas mal de choses et pourrait encore faire davantage. Actuellement dans le consortium que nous sommes en train de constituer, le génome du mil cultivé (le mil perlé) est disponible. Cela va offrir des ressources génétiques d’importance pour faciliter et accélérer les programmes d’amélioration variétale. Il y a également beaucoup d’initiatives et de partenariats qui se sont mis en place et qui permettent de s’intéresser à des questions scientifiques très pointues avec des outils modernes, ce qui permet d’accélérer, ou en tous cas de mieux cibler, certaines problématiques autour du mil : notamment, cultiver le mil dans des zones hostiles ou arides, ou en présence de certains ravageurs des cultures. Toutes ces initiatives sont, je pense, à saluer. Mais je pense qu’il serait temps, à la lumière des nouvelles découvertes, et étant donné le nombre important de personnes qui consomment le mil – quasiment 40 % de la population mondiale – de considérer le mil autrement, non pas comme une culture sous-utilisée. Les ressources qui permettent de l’étudier existent, et la recherche a fait des avancées considérables sur cette plante, y compris vis-à-vis de l’impact des changements climatiques.