Interview de chercheur

Marie-Christine Daunay et Jérémy Salinier ingénieurs de recherche à l’INRA Inra Provence-Alpes-Côte d’Azur, nous parlent de la tomate.

Vous travaillez à la conservation d’une grande collection de ressources génétiques de tomates. Racontez-nous un peu l’histoire de cette collection.

MCD : Ah c’est une jolie histoire…Les programmes de recherche ont commencé en 1955, à l’INRA de Versailles. Ils ont rapidement migrés vers la station d’amélioration des plantes de Montfavet dans le Vaucluse (INRA PACA). Les programmes pour lesquelles cette collection a été montée étaient beaucoup des programmes de sélection au départ. Le premier matériel introduit a donc été pour l’essentiel du matériel français et du matériel étranger cultivé, à partir duquel des sélections ont été faites. Et puis rapidement l’INRA a développé des programmes pour la résistance aux maladies de la tomate. Il a donc fallu introduire du matériel sauvage parce que c’est là que l’on trouve l’essentiel des gènes de résistance à différents virus, bactéries et champignons. Puis les programmes ont continué à se diversifier avec les tomates issues de l’industrie. La collection a donc été enrichie en conséquence avec du matériel intéressant pour la culture industrielle. Enfin, des programmes pour la qualité ont démarré il y a une quinzaine d’années, avec l’introduction du matériel adapté. Donc la collection est passée de 0 en 1955 à plus de 2000 accessions qui sont gérées par l’INRA et en réseau avec les partenaires.

Conserver une collection de ressources génétiques de tomates, qu’est ce que cela veut dire exactement ? Quelles sont les missions et les activités d’un tel conservatoire ?

MCD : Conserver les ressources génétiques, c’est tout un travail qui consiste – au delà du montage de la collection et de son enrichissement progressif en fonction de l’utilisation de cette collection – à régénérer des semences pour les rendre disponibles, de façon à ce qu’elles soient utilisées en recherche ou en amélioration, et à les maintenir dans leur intégrité génétique de départ. C’est donc un travail horticole du semis à la récolte des semences, en passant par le contrôle de la pollinisation et qui permet d’avoir des semences disponibles et fiables. Au delà de cet aspect des semences et de gestion des stocks, il y a toute l’information associée à ces ressources génétiques qui est structurée en groupes : il y a les données passeport avec comme leur nom l’indique le nom de l’accession, son origine, qui l’a introduite, etc… ; il y a des données descriptives, assez détaillées selon des grilles bien établies de descripteurs ; et puis il y a toute la partie évaluation pour des caractères d’intérêt agronomique particulier, qui font la jonction avec la partie recherche puisque c’est vraiment un travail d’investigation. Une collection n’est pas une pièce de musée. A l’INRA c’est utilisé pour les programmes de recherche, mais l’INRA travaille avec différents partenaires qui sont des semenciers, ou des académiques en France, en Europe ou dans le monde. Ces ressources génétiques sont très sollicitées pour des programmes de recherche un peu partout donc il y a une grande activité de distribution de matériel. Et puis on est également sollicité par des producteurs, des associations de producteurs, voire des amateurs qui s’intéressent à nos ressources génétiques.

Comment voyez-vous ces activités évoluer pour le futur ?

JS : Dans le futur, je pense qu’on va avoir deux chantiers prioritaires. Le premier va être de rationaliser la gestion de nos collections. En effet toutes les multiplications de matériel nous coûtent très cher en terme de main d’œuvre. Il va donc falloir travailler davantage en réseau. Au niveau européen, il va falloir vérifier si on n’a pas des doublons pour les supprimer et s’occuper de manière plus importante de nos propres accessions. Cela va être en réseau aussi avec les partenaires semenciers ou avec des partenaires de la société civile qu’il va falloir multiplier nos accessions. Egalement, on va congeler nos semences pour réduire la fréquence des multiplications. On peut de cette façon passer de une multiplication tous les 15 ans pour une accession donnée à une multiplication tous les 30 ou 50 ans. Le deuxième chantier pour nous va être de valoriser vraiment la richesse qui est contenue dans nos collections. Cela veut dire diffuser plus largement toute la connaissance qu’on a déjà, toutes les descriptions de nos variétés ; les décrire de manière plus large, par exemple en décrivant le système racinaire de la collection tomate, ou en la testant dans différents types de culture plus ouverts sur les agricultures nouvelles, par exemple en association avec d’autres cultures ou sans intrants.