Claire Billot, chercheuse au CIRAD, nous parle du fonio.
Le fonio est une céréale dite mineure. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi ?
CB : Le fonio est une céréale considérée comme une céréale mineure, tout d’abord parce qu’il y a relativement peu de tonnage en production, c’est une céréale assez confidentielle. Elle est de plus cultivée sur un espace géographique assez restreint qui va du Lac Tchad au Sénégal dans la zone sub-sahélienne. Et dans cet espace, elle n’est cultivée que par un petit nombre d’agriculteurs, de manière assez hétérogène. Enfin, lorsque des investissements monétaires internationaux ont été faits, le fonio ne faisait pas partie des priorités de recherche. Et donc de ce fait, au même titre qu’un certain nombre d’autres céréales ou d’un certain nombre d’autres espèces, elle est qualifiée de mineure parce que peu utilisée, peu cultivée et peu consommée.
Pourquoi la recherche s’intéresse-t-elle aujourd’hui à la culture du fonio ?
CB : La recherche s’intéresse aujourd’hui au fonio, comme à un certain nombre d’autres espèces, parce qu’après avoir eu une visée très centrée sur un petit nombre d’espèces, on se rend compte que la sécurité alimentaire dépend aussi beaucoup d’espèces moins étudiées qui font partie de ce qu’on appelle l’agrosystème, c’est à dire tout ce qui peut-être cultivé par les agriculteurs. En ce qui concerne le fonio, on se trouve sur une zone restreinte et majoritairement gouvernée par une agriculture de type familiale. On rencontre donc plusieurs agrosystèmes différents dans lesquels le fonio a une place prépondérante à deux niveaux : Il a d’abord un cycle très court, et sert donc à la période de soudure. Celle-ci correspond au moment où les autres espèces ne sont pas encore matures alors que le fonio peut être récolté. Il est donc consommé à ce moment-là en grande quantité par les agriculteurs qui le cultivent. Le fonio a par ailleurs un second rôle qui est culturel, puisqu’il est beaucoup utilisé pour ce qui concerne les fêtes spécifiques, les mariages, les échanges, il est même un indicateur de développement de compétence pour les femmes. Le rôle des femmes est important dans la culture du fonio pour plusieurs raisons. En fonction des ethnies, le fonio peut-être exclusivement cultivé par les femmes, ou cultivé par les femmes et par les hommes. Traditionnellement, les femmes s’occupent davantage des cultures maraîchères. Mais elles peuvent avoir une petite surface de fonio dans cette zone maraîchère. Les hommes s’occupent des cultures de plus grandes surfaces, notamment céréalières, incluant le fonio. Mais le fonio est une céréale à tout petits grains, difficiles à décortiquer, et qui nécessite un temps de préparation très important : au moment du battage, les petits grains se mélangent souvent avec des cailloux, ce qui nécessite un tri, et au moment du pilage. Les femmes, responsables de tout ce qui touche à la préparation culinaire, sont celles qui développent et adaptent les modes de préparation et qui sont donc compétentes dans ce domaine. Leur expérience dans la préparation du fonio est donc culturellement importante et reconnue par toute la famille. Il est même dit qu’une femme est prête à être mariée lorsqu’elle sait préparer un plat de fonio…